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Basket-ball : ces épisodes qui ont modifié le cours d’une saison folle, celle du Denain Voltaire 2014-2015
C’était il y a dix ans. Avec un budget riquiqui, un coach débutant et une bande de gamins qui n’avaient pas froid aux yeux, Denain Voltaire s’était offert le grand vertige en Pro B, à deux doigts de monter en Betclic Élite. Désormais entraîneur du BCM Gravelines Dunkerque, Jean-Christophe Prat revient sur les épisodes clés qui ont jalonné cette folle aventure.
La fois où Jean-Christophe Prat a forcé l’entrée
À son retour d’Istanbul, où il avait suivi l’un de ses mentors, Erman Kunter, au Besiktas, en 2012-2013, Jean-Christophe Prat était resté « un an sans poste ». Rentré tard de Turquie, il voulait passer d’assistant à coach principal et avait demandé à son agent, Pascal Lévy, de sonder le marché de la Pro B. « Et là, rien. Fin mai, début juin (2014), on apprend que le poste se libère à Denain après le départ de Fabrice (Courcier, à Orchies). Pascal m’obtient un entretien. »
En route pour le Nord, les deux hommes n’ont pas encore passé la Porte de la Chapelle, à Paris, que le portable de l’agent sonne. Le président denaisien, Alain Place, veut annuler le rendez-vous. Le matin même, il a reçu Jean-Aimé Toupane, l’actuel sélectionneur des Bleues, et fait son choix. Pascal Lévy tempête dans la voiture : « Il dit à Alain qu’on est déjà sur l’autoroute et qu’il ne peut pas nous faire ça. » Le « prés’ » s’incline et accepte finalement de recevoir Jean-Christophe Prat « sur un bout de canapé », dans un hôtel de zone commerciale. On connaît la suite.
La fois où Austin Hollins a failli se faire couper
Austin Hollins n’est qu’une « biloute » quand il arrive à Denain. Son père, Lionel, est alors head coach des Brooklyn Nets, en NBA, une sommité, mais le fiston sort d’université (Minnesota), vit pour la première fois loin des États-Unis et ses premiers pas en Pro B laissent les observateurs sceptiques. Pas Jean-Christophe Prat qui a « tout de suite vu là où (il pouvait) l’emmener ».
« Si vous le virez, vous pouvez déchirer mon contrat, on ne touche pas à Austin Hollins. »
L’arrière se blesse en octobre (arrachement osseux au petit orteil), Benoît Gillet est recruté pour le remplacer et Alain Place veut en profiter pour « couper » l’Américain au contrat pourtant minimum (25 000 dollars la saison). Le coach s’accroche à sa perle dont la future campagne de play-off finira par lui donner raison. « J’ai dit à Alain : “Si vous le virez, vous pouvez déchirer mon contrat, on ne touche pas à Austin Hollins.” »
La fois où les jeunes se sont fait recadrer
L’équipe s’était beaucoup habituée à gagner et il était arrivé un moment, au cœur de l’hiver, où la mécanique s’était grippée. Cinq défaites d’affilée concédées entre le 13 février et le 7 mars, dont une en quart de finale de la Coupe de France contre Strasbourg (Betclic Élite), avaient instillé le doute. « C’était une période où les jeunes commençaient à se prendre pour ce qu’ils n’étaient pas encore » et les vieux ne se sentaient plus écoutés. Il n’était pas tellement question de considérations technico-tactiques mais « d’alchimie dans le groupe ».
« En play-off, ce sont les joueurs qui prennent le lead, toi tu es juste là pour les encadrer. »
Jean-Christophe Prat décide alors de prendre les gamins (Kahudi, Ouattara, Howard, Fofana, Boutsiele) entre quatre-z-yeux. « Il leur a fallu un ou deux jours pour digérer » le discours musclé que leur assène le coach. La séquence s’achève par une lourde défaite à Poitiers (77-55) mais « j’ai compris ce jour-là qu’on était de retour ».
La fois où Denain a su qu’il plierait Boulazac
Les quarts de finale, tendus au possible face au voisin orchésien, avaient donné le ton des play-off. À l’aller, « j’avais failli me battre avec Fabrice (Courcier) », rappelle Jean-Christophe Prat. En demie, « Boulazac est annoncé comme la grosse équipe ». Les Denaisiens, qui n’ont pas l’avantage du terrain, perdent le premier match en Dordogne (61-50), desservis par leur maladresse (33 % aux tirs). Mais ils comprennent qu’ils ont tout pour rivaliser. Dans le vestiaire, après le match, Henri Kahudi partage au groupe son intime conviction, visionnaire : « On va gagner chez nous et on va les plier. » Jean-Christophe Prat savoure : « En play-off, ce sont les joueurs qui prennent le lead, toi tu es juste là pour les encadrer. »
La fois où Tim Blue a fait basculer la finale
Dix ans après, les regrets de Jean-Christophe Prat continuent de porter sur le match 1 de la finale, perdu sur le fil contre Antibes (60-61), dans une salle Jean-Degros incandescente. D’un trois points, Austin Hollins avait fait repasser Denain devant à quarante secondes de la fin (60-59). Yakuba Ouattara pouvait enfoncer le clou mais manquait ses deux lancers francs. Balle à Antibes et temps mort. Là, « Sacha (Giffa) me dit : “Mets Vaf (Fofana), il défendra mieux que moi sur (Tim) Blue.” Et je l’écoute. »
Au bout de l’action, l’Américain crucifie Denain d’un panier inscrit à deux secondes de la fin. Avec la faute à suivre et le lancer qu’il fera exprès de louper pour ne pas redonner la main aux Nordistes. Jean-Christophe Prat se repasse le film : « Je suis persuadé que si Sacha était resté sur le terrain et qu’il avait défendu sur Blue, les arbitres n’auraient pas sifflé faute. » On ne réécrira pas l’histoire.